Si le but et les garde-fous éthiques de la persuasion sont aujourd’hui bien compris, la littérature est abondante et les analyses critiques multiples, sans qu’un langage de comparaison n’ait été défini. Cet article propose les concepts d’états, de transitions et de déterminants pour caractériser les travaux de la littérature et ainsi en faciliter la compréhension et la comparaison. L’opérationnalisation de ce cadre ouvre des perspectives intéressantes au domaine.
Persuader est difficile ; persuader sur la durée l’est encore plus. Nous explorons l’adaptation pour apporter de la variété et de la pertinence à la persuasion et ainsi pallier l’usure de l’efficacité des messages persuasifs. Le cas d’étude est TILT, un dispositif persuasif pour la régulation du temps d’usage du smartphone. La persuasion de TILT s’appuie sur le principe d’auto-surveillance. L’expérimentation démontre la pertinence de l’adaptation du message persuasif comme renfort de l’efficacité du principe d’auto-surveillance dans le temps.
Les technologies persuasives ont pour fondement la persuasion inter-personnelle, étudiée depuis plus de deux millénaires dans le champ de la rhétorique, de la philosophie, et plus récemment de la psychologie. Cette dernière discipline propose des théories et des modèles pour rendre compte et comprendre les processus à l’œuvre dans le choix d’un comportement. Ces théories montrent en particulier que les situations persuasives sont complexes, variées, avec de nombreux facteurs d’influence. C’est pourquoi nous proposons la notion de technologies persuasives adaptatives, des technologies capables d’adapter leurs stratégies de persuasion à l’utilisateur dans son contexte. Pour mettre en œuvre ces dispositifs, nous proposons une modélisation du contexte persuasif, c’est-à-dire de l’ensemble des contraintes qui influencent l’adoption d’un comportement cible par un individu à un instant donné. Chacune de ces contraintes est à la fois un critère d’adaptation et un levier d’action dans la quête persuasive de la technologie.
Un moyen d'optimiser le taux d'énergie renouvelable consommé sur les micro-réseaux est la gestion de la demande en énergie. Décaler la consommation aux moments propices est possible avec des moyens de stockage. Pour explorer ce contexte, nous envisageons une nouvelle pratique visant à décaler la consommation des ordinateurs portables sur le lieu de travail grâce à leurs batteries. Cette pratique nécessite de fournir des consignes d'usage et des prévisions de disponibilité des énergies renouvelables. Pour ce faire, nous avons évalué l'utilisabilité d'un histogramme cylindrique à changement de forme, lors d'un évènement public sur deux jours, en interrogeant 90 visiteurs. Nous avons aussi testé trois profils de vitesse des mouvements en vision périphérique de sorte à notifier sans perturber ni agacer, en sollicitant 30 participants en condition de laboratoire. Nos résultats montrent des taux de réussite au-delà de 90% pour des tâches de recherche d'intervalle et de comparaison, nécessaires pour retrouver les pics de production d'énergie renouvelable. Nos résultats montrent qu'une vitesse exponentielle est la plus efficace pour rendre perceptible le mouvement tout en étant aussi peu perturbante qu'une vitesse constante.
Cet article propose un état de l’art d’espaces de conception et d’études pour les systèmes interactifs persuasifs, en particulier dans le domaine de l’énergie. Nous établissons et proposons une cartographie des principes de persuasion et des caractéristiques des systèmes persuasifs captées par ces outils. Nous observons que la plupart de ces outils sont difficiles à exploiter pour l’ingénierie de ces systèmes. Aussi, à partir de cette cartographie, nous proposons le framework UP+ qui synthétise et revisite ces outils d’un point de vue de l’ingénierie des systèmes interactifs persuasifs.
Un des moyens par lesquels les Technologies de l’Information et de la Communication peuvent contribuer à faire face au défi du changement climatique est par l’Interaction Homme-Machine. Des travaux de recherche ont déjà été conduits en ce sens depuis deux décennies. La voie empruntée, d’un changement progressif par réduction de la consommation individuelle, est cependant remise en cause sur certains points, ce qui doit amener la communauté à réorienter les prochains travaux de recherche. Cet article assemble les principales critiques issues de la controverse qui animent la communauté et envisage une voie ouverte pour remédier à cette remise en question : un changement radical par de nouvelles pratiques sociales.
We are entering a time when sustainable consumption requires a change of lifestyle. Yet behavioural change is not straightforward. To speed up the necessary changes, attention has been paid to human and social sciences as well as technology breakthrough. New interactive devices combining game and persuasive design have emerged and there is a ray of hope that these devices will facilitate societal shift. This article presents the Ecoffices energy challenge, a behaviour change competition for saving energy in office buildings. The challenge was based on a comprehensive use of ICT (sensors, gamified dashboards, etc.) and the study of new eco-friendly behaviors required advanced usage analysis techniques. Though energy savings did occur, they were less important than expected. An analysis of these results pointed out weaknesses related to technical dysfunctions and difficulties in staying engaged in the competition, but a more detailed analysis of the challenge dynamics was necessary. This paper provides such an analysis, using a grid of " ludo-persuasive " principles presented in Negri and Senach (2015) in order to assess both persuasive and gamification properties of the Ecoffices energy challenge.
Depuis plus de 40 ans, il est de notoriété publique qu'il est nécessaire de modifier les comportements de consommation énergétique dans les sociétés industrielles. Globalement, la prise de conscience par le grand public de la gravité des questions d'écologie est maintenant acquise. Et pourtant, le passage à l’acte est encore difficile et les gisements d'économies restent considérables. La lenteur des évolutions comportementales a conduit à rechercher du côté des Sciences Humaines et Sociales des modèles permettant une compréhension en profondeur des déterminants des comportements et à identifier des principes d'influence (crédibilité, expertise, réciprocité, etc.). L'implémentation de ces principes dans des dispositifs interactifs est une solution qui pourrait accompagner les changements de comportements ; ces nouveaux systèmes, associant le plaisir du jeu et les techniques de persuasion, baptisés ici « systèmes ludo-persuasifs » (SLP) pourraient être de bons candidats pour aider à l'adoption d'éco-gestes. Mais, l'utilisation des technologies interactives pour la persuasion est encore trop récente pour qu'une véritable ingénierie se soit développée. Dans le travail présenté ci-dessous, nous proposons l'élaboration d'une « boîte à outils » ludo-persuasive en discutant les défis qui doivent être relevés. Cet article est prolongé par deux travaux complémentaires : […]
La compréhension des déterminants et des processus socio-cognitifsimpliqués dans les phénomènes de persuasion s'inscrit dans une tradition derecherche remontant aux années 1940, connu sous le nom d'École de Yale. Lestentatives de persuasion aboutissent, lorsque le récepteur du message persuasifmodifie son attitude dans le sens défendu dans le message. En toute rationalité, onpourrait attendre que la modification d'une attitude entraîne une modification ducomportement. Ce raccourci, souvent pris notamment par les tenants de la persuasiontechnologique, s'accompagne aussi de la polysémie des termes attitude etcomportements. Après un rappel de définition conceptuelle du point de vue de lapsychologie sociale, nous présenterons un rappel bref -et par conséquent partial etincomplet- des théories et modèles majeurs auxquels ont recours les chercheurstravaillant dans le domaine de la persuasion (i.e. changement d'attitude) et del'influence sociale (changement de comportement). Nous défendons l'idée que dans ledomaine d'étude de la persuasion technologique, le rapprochement théorique etméthodologique de l'ergonomie cognitive, des IHM et de la psychologie socialeconstitue un tiercé gagnant.
Cette recherche porte sur l’inspection heuristique des interfaces selon un éventail de critères qui relèvent de plusieurs dimensions, notamment de ses aspectssouvent ignorés lors de l'inspection comme la motivation et la persuasion technologique. Elle poursuit deux objectifs : d’une part présenter un panorama desapproches en matière de critères d’inspection ergonomique et d’autre part à proposer les bases d'une approche qui intègre un élargissement des critères d'analyse heuristique des interfaces. Les motivations et enjeux de l'approche sont aussi présentés.
L’objectif de cet article est de présenter une étude portant sur l’utilisation de la grille de critères de persuasion interactive dans le but d’identifier les élémentspersuasifs dans les interfaces. Deux groupes ont été formés, « critère » et « contrôle ». Tous deux ont dû évaluer les éléments persuasifs de deux interfaces : réseau social (Facebook) et site de e-commerce (Cdiscount). Lors de la deuxième passation le groupe « critère » avait accès à la grille. 27 participants ont été recrutés pour cette étude. Les résultats indiquent que les participants ont trouvé plus d’éléments persuasifs avec la grille et que la performance en termes d’identification a été plus forte pour le site d’e-commerce. La performance moyenne d’évaluation est bien significativement différente (p= 0,000) sur les deux sites web. Concernant le site Facebook, la performance des participants du groupe « contrôle » est de 9,7% des éléments persuasifs identifiés en moyenne et de 23,8% pour le groupe « critère ». Pour le site Cdiscount, la performance d’évaluation du groupe « critère » est de 43,6% des éléments persuasifs trouvés en moyenne, et de 21,7% pour le groupe « contrôle ». L'expérience souligne la performance de la grille dans l’identification des formes de persuasion dans les interfaces.
Un système ludo-persuasif (ou SLP) est un système interactif dont l'objectif est d'inciter ses utilisateurs à adopter un comportement déterminé et qui, pour atteindre cet objectif, s'appuie sur des principes de persuasion et des mécanismes de jeu (Senach & Negri, 2015). Le développement, et donc à terme, l’usage par une population cible, de tels systèmes est donc particulièrement pertinent en vue d’instiller des changements de comportements et d’adopter, in fine, des modes de vie permettant un développement durable. Cependant l’ingénierie de tels systèmes doit relever plusieurs défis et manque d’outils spécifiques permettant notamment de capitaliser sur les recherches et pratiques issues de deux domaines convergents : celui de la gamification des systèmes et celui des technologies de la persuasion. Dans ce chapitre, nous présentons un travail d’intégration de plusieurs principes ludopersuasifs (cf. Fogg, 2003 ; Oinas-Kukkonen & Harjumaa, 2009 ; et Nemery 2012) qui peut être utile lors de la conception de SLP et qui a également été testé lors d’une analyse rétrospective d’un dispositif supportant un challenge énergétique intraentreprise (Senach & Negri, 2015b). Après des discussions évoquant le processus de sélection et de catégorisation des principes ludo-persuasifs, nous définissons les principes et indiquons plusieurs pistes liées à leur implémentation (exemples, modalités, indicateurs clés, etc.) en présentant 4 tableaux […]
Les technologies persuasives, par leur capacité à agir sur le comportement et les attitudes des individus, sont une piste prometteuse dans de nombreux domaines, comme pour le traitement des grands défis sociétaux (ex : santé, environnement, …) ou le marketing (ex : inciter l’adoption d’un service, …) qui se présentent à nous. Elles s’appuient sur des résultats obtenus en psychologie cognitive et sociale lors des dernières décennies. Les travaux sur la persuasion technologique, initiés par Fogg à la fin des années 90, ont permis d’identifier de nombreux principes de persuasion sur lesquels les nouvelles technologies peuvent s’appuyer pour influencer le comportement de leurs utilisateurs. Ces travaux ont aussi permis de mettre en œuvre des méthodes de conception, des interfaces persuasives et d’expérimenter la persuasion technologique dans des domaines variés. Le plus grand défi reste maintenant d’adapter la persuasion à la complexité et à la variabilité intra-individuelle et interindividuelle, à la versatilité de chaque individu pour optimiser l’efficacité persuasive. Il nous reste à construire des technologies persuasives plastiques.
Cet article dresse un état de l’art et une analyse critique des travaux menés sur la persuasion technologique dans le cadre de la consommation énergétique. De cette analyse systématique est extrait un panel des concepts de persuasion ensuite organisé au sein d’un espace de classification comportant six dimensions dont le concept de fonction de persuasion. En particulier, six fonctions de persuasion sont identifiées et caractérisées : Mirror, Explain, Recommend, What-if, What-for, Suggest- and-Adjust. Cet espace de classification permet de caractériser les travaux de l’art.